Adopter un enfant sourd ou malentendant

La surdité de l’enfant n’est pas exceptionnelle : la France voit naître un enfant sourd congénital pour 1000 naissances. Cependant, cette surdité trouve des origines diverses. Elle peut être de nature génétique, de nature infectieuse (toxoplasmose ou rubéole chez la mère, méningite, otites à répétition…) ou de nature traumatique (accident, explosion…).
Mais dans tous les cas, il est primordial pour le développement de l’enfant de dépister la déficience auditive le plus tôt possible.

Différencier les termes « sourd » et « malentendant »

Avant d’aborder la vie avec un enfant sourd ou malentendant, et sa prise en charge, il est nécessaire de préciser la différence entre les termes sourd et malentendant.

Pour un médecin, toute personne qui présente une hypoacousie (baisse de l’audition) est sourde.

Pour le grand public, une personne est malentendante lorsqu’elle entend, mais moins bien que la normale. Une personne est sourde lorsqu’elle n’entend pas.

En tant qu’audioprothésiste, je distingue les deux termes, non pas du point de vue de l’importance de la perte auditive mais d’un point de vue culturel, car le mode de communication n’est pas le même selon qu’on est sourd ou malentendant. En effet, une personne sourde communique par les gestes – en France, à l’aide de la Langue des signes française (LSF) –,  son langage et sa façon de penser se sont construits sur un support visuel. Une personne entendante ou malentendante communique oralement, son langage et sa façon de penser se sont construits sur un support auditif. Heureusement, il existe des ponts entre ces deux cultures qui permettent de se comprendre.

Comment peut-on définir une surdité ?

ŸLes surdités de transmission pures sont dues à une malformation ou à une pathologie de l’oreille externe et/ou de l’oreille moyenne. D’origine mécanique, elles sont toujours modérées, souvent traitables médicalement, opérables ou appareillables.

ŸLes surdités de perception sont dues à une malformation ou à une pathologie de l’oreille interne et/ou des structures neurologiques qui y sont rattachées. Leur origine étant neurosensorielle, elles peuvent être appareillées – mais pas toujours – et ne sont ni traitables médicalement ni opérables.

ŸLes surdités mixtes qui associent un problème de transmission et un problème de perception.

Les surdités sont classées en fonction de l’importance de la perte auditive :

ŸLa surdité légère (inférieure à 40 dB) : les personnes ne perçoivent pas les tout petits sons, et peuvent être gênées pour bien comprendre dans un environnement bruyant. Elle est rarement détectée chez les enfants.

ŸLa surdité moyenne (entre 40 et 70 dB) : les personnes ne perçoivent pas les voix faibles, et ne comprennent pas en milieu bruyant. Chez l’enfant, elle entraîne souvent un retard de langage oral avec des confusions phonétiques ; une prise en charge orthophonique sera souvent nécessaire.

ŸLa surdité sévère (entre 70 et 90 dB) : les personnes ne perçoivent que les voix fortes ou criées en face à face. Chez l’enfant, elle entraîne un gros retard de langage oral, la prise en charge orthophonique est alors indispensable.

ŸLa surdité profonde (entre 90 et 120 dB) : les personnes ne perçoivent pas la parole, même criée. Chez l’enfant, il n’y aura donc pas de langage oral sans une prise en charge pluridisciplinaire, et, même s’il y a un langage oral, il est très souvent préférable de le compléter par un langage gestuel.

Prise en charge précoce et pluridisciplinaire

La prise en charge de la surdité chez l’enfant est lourde de conséquences sur son avenir.

Elle doit être faite le plus tôt possible, et de façon adéquate. En effet, un enfant malentendant qui présente une surdité congénitale ou détectée dans la petite enfance doit être appareillé avant l’âge de 4 ou 5 ans (période prélinguale = avant l’acquisition de la langue), pour que le langage oral puisse se développer le mieux possible.

Dans tous les cas de surdité non traitable médicalement, il faudra prévoir un appareillage et souvent une prise en charge pluridisciplinaire. Elle se fera avec un médecin spécialiste (ORL), un orthophoniste, un audioprothésiste, et généralement un psychomotricien en cas de surdité profonde. Les rendez-vous avec tous ces spécialistes ayant lieu plusieurs fois par semaine, mieux vaut s’assurer qu’ils sont établis à proximité du domicile de la famille, et qu’ils ont l’habitude de suivre des enfants (ce qui n’est pas toujours le cas). Sur le plan scolaire, sauf en cas de surdité sévère ou profonde où cela est moins systématique, les enfants pourront généralement suivre une scolarité normale.

La Revue Accueil

Accueil est une revue trimestrielle réalisée par EFA. C’est la seule revue française consacrée à l’adoption. Accueil propose des témoignages d’adoptés et d’adoptants, des textes émanant de travailleurs sociaux, psychologues, psychanalystes, sociologues, juristes, écrivains.

À quoi doit-on s’attendre quand on adopte un enfant sourd ou malentendant ?

Tout d’abord, il faut savoir que dans les pays d’origine des enfants, la surdité n’est pas toujours diagnostiquée, en raison de faibles moyens de dépistage. Si elle est repérée, cette pathologien’est généralement pas considérée comme une priorité, et les enfants bénéficient rarement d’une prise en charge adéquate. En conséquence, plus l’enfant atteint de surdité(…) arrive grand dans son pays d’adoption, plus il aura accumulé de retard de langage, et plus il sera difficile de combler ce retard. Si l’enfant est étiqueté sourd lorsqu’il est petit, sa surdité risque d’être très importante parce que le retard de langage est plus difficilement repérable avant l’âge de 4 ou 5 ans. En effet, chez le bébé, seules les surdités sévères ou profondes interpellent par le manque de réactions de sa part.

Ensuite, si l’enfant a reçu une prise en charge dans son pays d’origine, elle est rarement similaire à celle que l’on pratique en France. À titre d’exemple, il m’est arrivé de recevoir des enfants d’Europe de l’Est, qui, en raison de leur retard de langage, avaient été placés dans des sections d’orphelinat normalement réservées aux enfants ayant des pathologies psychiatriques. Ce qui, forcément, n’a pas amélioré leur langage, mais, de surcroît, a pu créer des problèmes psychologiques. Le plus souvent, les enfants sont appareillés, mais de façon inappropriée et sans soutien orthophonique. De ce fait, l’enfant a un retard de langage plus important que ce que sa perte auditive pouvait laisser présager.

Il est donc indispensable d’essayer d’avoir le plus d’informations possible sur les examens pratiqués, sur l’origine de la surdité (rare), sur la date du premier appareillage (rare), sur l’existence d’antécédents dans la famille d’origine, sur la prise en charge sur place, sur d’éventuelles pathologies associées (phénomène très courant) et sur le mode de communication de l’enfant. Toutes ces informations seront utiles pour déterminer l’importance du handicap de l’enfant, et adapter la prise en charge, à son arrivée.

Dans quelle langue communiquer avec l’enfant ?

Si l’enfant malentendant s’exprime dans sa langue maternelle orale, il s’adaptera au français avec les difficultés liées à son retard acquis dans sa langue maternelle, mais l’orthophoniste en viendra normalement à bout. Il faut néanmoins vérifier ce que l’enfant comprend réellement, parce qu’un enfant malentendant s’exprime souvent beaucoup mieux qu’il ne comprend les messages. Si son niveau de communication orale le permet, il pourra être scolarisé dans son école de quartier, parfois avec un soutien. Mais il faut tout de même s’attendre à ce que ses acquis scolaires ne soient pas au même niveau que ceux de sa classe d’âge, dans ce cas, il ne faut pas hésiter à le mettre dans une classe correspondant à son niveau réel pour lui éviter de se sentir en échec.

Si l’enfant est sourd (profond ou sévère) à son arrivée en France, et qu’il s’exprime dans sa langue maternelle signante ou dans une sorte de code signé local, l’enfant et ses parents devront apprendre la langue des signes française pour pouvoir communiquer. La famille fonctionnera sur un mode bilingue, cela peut poser des difficultés (quiproquos, mise à l’écart…), mais aussi apporter une richesse biculturelle. Par contre, pour le bien de l’enfant, il est préférable qu’il soit scolarisé avec d’autres enfants sourds. Il est donc nécessaire, à mon sens, d’avoir des classes spécialisées proches de la maison. En évitant l’internat, il fera partie intégrante de la famille, au quotidien, comme tous les autres membres qui la composent.

En savoir plus

Les centres d’information sur la surdité (CIS)

Ces services régionaux d’information s’adressent avant tout aux parents d’enfant sourd, aux personnes sourdes et aux professionnels concernés par la surdité. Les centres d’information sur la surdité donnent aux familles une information complète pour les aider à faire des choix éducatifs, professionnels et de vie sociale en toute connaissance de cause. Ils sont implantés dans une quinzaine de régions.


Liste des centres d’information sur la surdité

ACFOS (Action connaissance formation pour la surdité)

Centre d’information sur la surdité et l’implant cochélaire


Associations

Afideo (Association française pour l’information et la défense des sourds s’exprimant oralement)

ALPC (Association nationale pour la promotion et le développement de la langue française parlée complétée)

Anpeda (Fédération nationale des associations de parents d’enfants déficients auditifs)

FNSF (Fédération nationale des sourds de France)


Documents

La surdité de l’enfant : guide pratique à l’usage des parents, éditions INPES, dossiers Varia
Un guide concret, clair et accessible pour accompagner les parents et apporter quelques réponses aux questions qu’ils se posent.
Téléchargeable à partir du site de l’INPES : http://www.inpes.sante.fr/ (rubrique Publications)

Des documents en langue des signes sont accessibles à partir du site de l’association nationale des parents d’enfants sourds (ANPES) : http://anpes.free.fr/ (rubrique Ressources)


Pour les professionnels :

Haute autorité de santé (HAS), Surdité de l’enfant : accompagnement des familles et suivi de l’enfant de 0 à 6 ans, hors accompagnement scolaire, Recommandations de bonne pratique, 2009.
Documents accessibles à partir du site : http://www.has-sante.fr/