Edito
Avec les témoignages des parents, avec les médecins, psychothérapeutes et psychanalystes, avec la sage-femme, avec la directrice d’un service social et un membre d’un Conseil de famille et d’une Commission d’agrément, parlons d’adoption et de procréation médicalement assistée avec nuances, faisons nôtre une éthique à naître durablement pour l’enfant.
L’édito: Dis, tu me dessines une école ? de Janice Peyré
Une école où je vais pouvoir me faire des copains, même si c’est pas simple, le premier jour, d’arriver avec tous ces regards, comme si je débarquais de Mars. Où la maîtresse ne stresse pas trop de m’avoir dans sa classe. Et où maman ne se prend pas (et ne me prend pas) la tête sur l’école tout le temps !
Une école où on m’autorise à prendre le temps qu’il me faut. Pas parce que je suis plus lent ou moins volontaire qu’un autre. Mais pour m’acclimater (parce que même si je suis né en France, entre Lille où je vivais avant et le village de la Corrèze où je vis maintenant, y’a un monde !) ; pour (ré) apprendre à apprendre en jouant. Pour me laisser le temps de m’habituer à toutes ces nouveautés qui me tombent dessus : mes parents, mes frères et sœurs, le chien, le chat, la maison, les grands-parents, la façon de manger, de parler, de vivre, ce qu’on a le droit de faire et pas faire, en plus de la langue, la lecture, les dictées, les maths, et j’en passe.
Une école où on va pas me casser les pieds à dessiner des arbres où il faut accrocher toute la famille sur des branches : à tous les coups, je vais encore avoir droit aux vrais-faux parents… Je leur en pose, moi, des questions, aux autres ou à la maîtresse, sur leurs parents ?
Une école où on va pas s’étonner si j’ai pas trop envie de faire un exposé sur un village du Vietnam ou sur les Indiens du Mexique, sous prétexte que ce serait là-bas que je serais né. Va leur expliquer que tu peux ressembler à un Indien et être né à Lyon !
Une école où on va pas décréter que forcément, je suis bon en foot puisque je suis né quelque part en Afrique.
Une école où personne ne m’oblige à porter la mémoire d’un petit garçon ou d’une petite fille morte.
Pas parce que je suis indifférent. Tu le sais, ça, toi.
Mais tu sais aussi que je me trimbale déjà un baluchon de choses que certains adultes ont du mal à imaginer. Et les nuits où j’ai du mal à m’endormir, je connais déjà.
Janice Peyré, présidente d’Enfance & Familles d’Adoption
Membre du Conseil supérieur de l’adoption
Membre du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles