Risque de saturnisme chez les enfants arrivés d’Haïti

Suite à la découverte de plusieurs cas de saturnisme chez des enfants arrivés récemment d’Haïti, la DGS (Direction Générale de la Santé) en recommande le dépistage systématique, notamment chez tous les enfants arrivés en vue d’adoption au cours des derniers mois. Elle rejoint en cela les recommandations faites avant même le séisme, par les médecins des consultations adoption (COCA) qui avaient eu l’occasion d’observer plusieurs cas de saturnisme parmi les enfants venant d’Haïti et plus récemment du Kazakhstan.

Le saturnisme est une intoxication par le plomb, dont l’ingestion anormale provoque une accumulation dans l’organisme qui n’en a aucune utilité et ne peut l’éliminer que très lentement.

En France on peut trouver du  plomb :

  • dans les vieilles peintures murales (interdites depuis 1948)
  • dans les canalisations d’eau les plus anciennes (soudure notamment)
  • dans l’émail de certaines poteries artisanales à usage non alimentaire
  • dans des produits cosmétiques d’importation (khôl)

Les enfants s’intoxiquent soit par leur alimentation normale (vaisselle, eau) soit en ingérant des petits morceaux de peinture écaillée qui se trouvent à leur portée.

Rapidement absorbé au niveau digestif, le plomb passe par le sang puis va se fixer en majorité sur les os, d’où il ne sera délogé que très lentement et parfois de façon tardive après l’arrêt de l’intoxication.  Le plomb traverse aussi la barrière placentaire et le fœtus peut être atteint pendant la grossesse en cas d’intoxication de sa mère.

Les signes cliniques du saturnisme sont très banaux et leur gravité est corrélée au taux de plombémie (dosage du plomb dans le sang) seul moyen  diagnostic. Ces signes sont d’autant plus fréquents et pour de toutes autres raisons dans la population d’enfants qui nous concerne, d’où le risque de passer à côté du diagnostic. On retrouve :

  • des signes digestifs vagues : anorexie, douleurs abdominales, constipation, vomissements
  • des troubles du comportement : irritabilité ou apathie, hyperactivité
  • des signes neurologiques : baisse de l’audition, retard psychomoteur
  • des troubles de la croissance, une anémie

Le taux de plombémie détermine la conduite à tenir. Bien que toute présence de plomb dans le sang soit anormale, on ne parle de saturnisme chez l’enfant qu’au-delà d’un taux de 100 microgrammes/l, et la déclaration à l’ARS (Agence régionale de Santé) en est obligatoire.  La première mesure est de supprimer la source de contamination (réfection du logement, suppression de la vaisselle), mais cette mesure ne concerne plus les enfants déjà arrivés en France.

En dessous de 250 microg/l on se contente de surveiller la plombémie qui peut augmenter du fait de la libération progressive par l’os du plomb fixé. L’élimination complète est très longue et peut durer plusieurs mois.

Entre 250 et 400 microg/l, la mise en place d’un traitement peut se discuter. Il devient inévitable et urgent au-delà de 400 microg/l. Il consiste à accélérer l’élimination du plomb  par des médicaments chélateurs selon des protocoles variables en fonction de la gravité de l’intoxication.

Au total, la recommandation de la DGS vient renforcer celle des médecins habitués aux pathologies liées à l’adoption, qui préconisent un dosage de la plombémie dans le bilan d’arrivée des enfants adoptés venant d’Haïti, auquel s’est rajouté plus récemment le Kazakhstan. Pour les enfants arrivés depuis plus d’un an, ce dosage n’a plus d’intérêt, sauf pathologie particulière à étudier au cas par cas avec votre médecin.

Dr Odile BAUBIN, Pédiatre

Vice Présidente Santé – Vie de l’enfant

Pour aller plus loin :

http://invs.santepubliquefrance.fr/Dossiers-thematiques/Environnement-et-sante/Saturnisme-chez-l-enfant

http://www.invs.sante.fr/fr/Publications-et-outils/Rapports-et-syntheses/Environnement-et-sante/2011/Surveillance-du-saturnisme-chez-l-enfant-2005-2010-Point-sur-les-enfants-adoptes-originaires-d-Haiti.-Juin-2011