Edito
L’édito: Du bonheur dans l’adoption de Janice Peyré
Si nous n’hésitons pas, à Enfance & Familles d’Adoption, à mettre en garde contre les risques de dérive, ou à parler des difficultés ou des souffrances que traversent des familles adoptives, c’est parce que nous sommes très attachés au bonheur de tous, enfants et parents. Or ce bonheur passe par la vérité, fondement d’une confiance mutuelle, par la réflexion et la préparation, par le temps partagé, dès les premiers instants.
Le bonheur vient après des incertitudes et des attentes de part et d’autre. Ceux qui parlent d’adoption, dans les médias, dans les milieux politiques, les futurs parents, focalisent sur l’attente réelle des adultes et oublient trop souvent l’attente muette, terrible, d’un enfant privé de famille. Ils sous-estiment ou méconnaissent la souffrance du délaissement.
Ce bonheur est fait de moments de gaieté mis bout à bout, d’instants de complicité d’autant plus émouvants qu’on a guetté le premier regard, le premier sourire, qu’on n’oubliera pas cette première fois où notre enfant a grimpé sur nos genoux. Tout cela peut venir bien du temps après la rencontre, s’intercaler entre les replis de l’enfant sur lui ou ses grandes colères qui permettent d’évacuer un trop-plein.
Et puis il y a le bonheur de tous les jours, d’une vie faite de hauts et de bas — avec, plus ou moins présents, des questionnements de l’enfant qui a besoin d’être rassuré, qui veut en savoir plus sur sa vie avant nous. En même temps, il regarde vers demain, un métier, les voyages, celui ou celle avec qui il rêve de fonder sa propre famille… Le voir partir, voler de ses propres ailes, ce bonheur-là, s’il nous étreint, nous le voulons aussi pour lui.
Rien ni personne ne peut garantir le bonheur, nous l’assurer, à nous ni à aucune famille.
Une chose pourtant est sûre. Le terrain se prépare. Le chemin se prépare du côté des enfants et des parents. La rencontre peut être magique, elle n’est pas miraculeuse. Les liens ne sont pas instantanés ; il y a un temps d’apprivoisement mutuel. L’enfant doit nous découvrir, s’approprier notre odeur, notre voix, notre apparence, notre façon de faire — sans parler de tout l’environnement forcément différent de celui qui était le sien. Nous devons apprendre à le connaître, savoir être attentifs, disponibles, le rassurer sans l’étouffer de notre attente. Nous devons être là, présents, tout simplement.
C’est pourquoi tout le temps que nous prenons avec lui dès les premiers instants est non seulement un droit social précieux, gagné de haute main (les divers congés d’adoption et parentaux). C’est un devoir : parce que c’est là que se sèment les graines de notre bonheur commun, pour toute la vie qui se déroule devant nous, devant lui. Nous le devons à notre enfant.
Janice Peyré, présidente d’Enfance & Familles d’Adoption
Membre du Conseil supérieur de l’adoption
Membre du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles