Le rachitisme chez l’enfant adopté
On parle de rachitisme devant un ensemble de signes liés à un déficit en vitamine D. La vitamine D, qui est en réalité une hormone, a pour fonction de fixer le calcium sur les os ; elle a donc un rôle primordial dans l’ossification et la croissance osseuse.
Apporter un supplément de vitamine D pendant les périodes de forte croissance
La principale source de vitamine D est la peau qui, sous l’effet des rayons du soleil, est capable de la synthétiser. La production dans les conditions de vie habituelles couvre les besoins de l’organisme a minima. Cependant, dans les périodes de forte croissance telles que la petite enfance (où un enfant double sa taille entre la naissance et 4 ans), ou l’adolescence où la vitesse de croissance prend des allures vertigineuses, la production n’étant pas suffisante, il est nécessaire d’apporter un complément sous une autre forme. C’est également le cas pendant la grossesse où la mère doit construire le squelette de son enfant, et chez les personnes âgées pour compenser la destruction osseuse.
Peu d’aliments contiennent de façon significative de la vitamine D : le beurre d’été, quand les vaches broutent au pré de l’herbe fraîche, et le foie de certains poissons (c’est l’huile de foie de morue de nos grands-parents !). Il faut donc se tourner vers des formes médicamenteuses, et dans tous les pays tempérés où le soleil n’est pas tous les jours au rendez-vous, on donne de la vitamine D aux enfants jusqu’à 2 ans (voire 4 ans l’hiver), aux adolescents et aux femmes enceintes, selon des modalités qui varient d’un pays à l’autre (gouttes quotidiennes, ampoules bi ou trimestrielles, enrichissement du lait, etc.), et en fonction de la coloration de la peau. Car les peaux foncées absorbent moins bien le soleil et ont donc besoin d’un ensoleillement plus intense pour synthétiser la même quantité de vitamine D.
Des signes de rachitisme chez les enfants adoptés
Mais, me direz-vous, les enfants adoptés viennent souvent d’un pays dit « tropical » où le soleil règne en maître. Effectivement, cela suffit le plus souvent pour les enfants élevés dans leur famille, nourris au sein jusqu’à 2 ans (le lait maternel en contient) et qui profitent du soleil en vivant dehors. Mais le mode de vie dans les orphelinats vient perturber cet équilibre naturel. Les enfants ont rarement l’occasion de se mettre peau nue au soleil ; ce dernier est plutôt considéré comme un danger, pouvant être responsable d’insolation, de déshydratation. De plus, les structures accueillant les enfants abandonnés ont rarement un jardin clos où ils pourraient s’ébattre sans danger, ni la possibilité d’organiser des promenades. Il est donc difficile d’envisager une cure quotidienne d’une vingtaine de minutes au soleil pour chaque enfant ; ce n’est ni dans les habitudes de vie, ni concrètement réalisable.
Il n’est donc pas rare de trouver des signes de rachitisme chez les enfants adoptés. Les os, qui se sont allongés pendant la petite enfance, ont une ossification de moins bonne qualité ; plus « mous » ils se déforment sous l’effet de la pression. On peut ainsi retrouver une déformation des tibias (os de la jambe) sous l’effet du poids du corps à l’âge de la marche : ce sont les « jambes en O » ou « entre parenthèses ». Chez les plus petits, on retrouvera une déformation de la cage thoracique « en cloche », sous l’effet des efforts respiratoires accentués si le nourrisson a présenté de nombreuses bronchites. Cette ossification médiocre est compensée par une accélération de la production au niveau des cartilages de conjugaison1 ; celle-ci se révèle par des « bourrelets » osseux palpables au niveau des poignets, des côtes, et qui signent le rachitisme.
D’autres conséquences sont fréquentes. Les muscles venant s’insérer sur des os fragiles seront eux-mêmes moins performants ; il en découlera souvent un retard psychomoteur, un manque de tonus (hypotonie musculaire). On note aussi une sensibilité particulière aux infections respiratoires, en lien avec la moindre efficacité des muscles respiratoires. Ces symptômes vont venir se rajouter aux retards habituels et aux susceptibilités infectieuses des enfants qui attendent en institution.
Les conséquences des carences sont réversibles
Fort heureusement, tous ces petits inconvénients sont réversibles avec un apport vitaminique adapté. C’est la raison pour laquelle on conseille systématiquement aux parents de supplémenter leurs enfants en vitamine D à l’arrivée et pendant toute la période de forte croissance présentée par de nombreux enfants arrivés en adoption. Les doses varieront en fonction de la clinique, de l’âge, de la couleur de la peau et des habitudes de vie. Votre médecin saura vous conseiller. Il est habituel de s’assurer conjointement d’un apport suffisant en calcium lorsqu’on met un enfant sous vitamine D à forte dose. Vu le tropisme de nos enfants vers les yaourts, petits suisses et autres laitages, laissons-les se réalimenter à leur guise, ils auront leur dose de calcium !
1 Variété de cartilages qui n’existe que dans les os longs de l’enfant. Leur rôle est de séparer le corps de l’os de son extrémité pour permettre sa croissance en longueur.