Hyperactivité et adoption

L’hyperactivité est un diagnostic de plus en plus souvent évoqué, notamment chez l’enfant adopté. Mis largement en avant par les uns, contesté par les autres, il est d’autant plus difficile de se faire une opinion, quand il s’agit de son propre enfant, que l’origine en est encore mal connue. Pourtant ce sera bien aux parents de décider d’accepter ou non le traitement qui peut être proposé.

Le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité : un diagnostic avec des critères précis

L’hyperactivité n’est en fait qu’un des symptômes d’une maladie, le Trouble Déficitaire de l’Attention avec Hyperactivité (TDAH), entité bien connue des pédopsychiatres dont le diagnostic répond à des critères précis qui associent :

  • Un déficit de l’attention : l’enfant est dans son monde, a du mal à finir son travail, à se conformer aux consignes parce qu’il ne les intègre pas, perd ses affaires, se laisse facilement perturber par l’environnement, fait des fautes d’étourderie ;
  • Une impulsivité cognitive (ça va trop vite dans ma tête) : l’enfant répond avant la fin de la question, monopolise l’attention, coupe la parole ;
  • Une hyperactivité plus marquée dans la petite enfance et qui peut diminuer avec l’âge : l’enfant ne tient pas en place, court et grimpe partout, semble monté sur ressort, sans cesse en mouvement, parle trop.

En principe, ces difficultés doivent se manifester dans plusieurs lieux de vie de l’enfant pour valider le diagnostic. Des troubles associés tels que l’angoisse de séparation, une faible estime de soi, une opposition, des troubles des apprentissages, viennent souvent s’ajouter à ce tableau, compliquant singulièrement sa compréhension.

Compte-tenu des grandes variations dans la maturation de l’attention chez l’enfant, on ne parle pas de TDAH avant l’âge de 6 ans, même si une fois le diagnostic posé, certains comportements présents avant cet âge, et relatés par les parents, peuvent y être rattachés. Ce n’est pas parce que les enfants TDAH sont décrits comme difficiles pendant la petite enfance, ou avec des troubles du sommeil, que tous les petits enfants difficiles ou avec des troubles du sommeil se révéleront atteints de TDAH. Seuls des centres de référence reconnus sont autorisés à poser le diagnostic après une série de tests et d’examens, et à mettre en route le traitement.

Un diagnostic encore plus délicat pour les enfants adoptés

À la lumière de ces éléments, on voit déjà pourquoi un raccourci malheureux peut être fait devant le comportement de nombreux enfants adoptés. On observe, de façon quasi constante, chez les enfants adoptés à leur arrivée dans la famille, un comportement qui peut passer pour de l’hyperactivité. S’étant souvent mis « en veilleuse » pendant la période où ils attendaient que leur sort soit fixé, ils explosent dans tous les sens : leur curiosité naturelle sollicitée par une multitude de stimulations nouvelles, ils se dispersent pour tenter de n’en perdre aucune miette.

Ceux qui ont souffert de carences affectives et/ou nutritionnelles précoces vont présenter des troubles de concentration, qui ressemblent à s’y méprendre aux troubles de l’attention du TDAH, et des troubles des apprentissages dont il sera bien difficile de démontrer l’origine. La faible estime de soi, l’angoisse de séparation, sont quasi constantes chez la personne adoptée à des degrés variables tout au long de la vie et selon les périodes et les situations vécues.

Devant un tableau clinique aussi proche, on comprend la confusion faite par des parents, des enseignants ou des professionnels non avertis. Il existe cependant des variations subtiles dans l’expression de ces troubles, que seule une équipe de professionnels compétents et sensibilisés à la particularité adoptive peut déceler.

De plus, l’immaturité affective et neurologique, que l’on retrouve de façon habituelle chez nos enfants, devrait influer aussi sur l’âge auquel est posé le diagnostic de TDAH. On ne peut demander à un enfant arrivé à 3 ou 4 ans d’avoir les mêmes capacités de concentration à 6 ans (âge traditionnel de l’entrée en CP) que ses copains dans sa classe d’âge. Laissons donc un peu de temps à nos enfants avant de les faire entrer dans la case « TDAH ». Une année supplémentaire de maternelle leur serait sans doute plus bénéfique, à ce stade, qu’un traitement médicamenteux. Car s’il existe de véritables TDAH chez les enfants adoptés, comme chez les autres enfants, leur diagnostic est plus délicat et le centre de référence doit pouvoir tenir compte de ces particularités.

Un traitement au cœur de la polémique

Le traitement, qui n’est autorisé en France que depuis 1995, est au cœur de la controverse. Il s’agit d’un psychostimulant dont l’action porte essentiellement sur les troubles de l’attention qui sont, rappelons-le, le maître symptôme. Son action quasi immédiate le rend suspect mais fait surtout oublier l’ensemble de la prise en charge qui doit accompagner ce traitement et aura beaucoup plus d’efficacité sur le long terme. Cette prise en charge réalisée par des équipes pluridisciplinaires spécialisées associe la psychothérapie, la guidance parentale, une rééducation de l’attention adaptée, un soutien scolaire et un soutien de l’équipe enseignante. Certaines équipes peuvent mettre en avant une méthode plus comportementaliste avec d’aussi bons résultats, mais l’objectif de toutes les équipes est de soulager l’enfant et sa famille et de se passer le plus rapidement possible du « médicament miracle ».

La polémique qui entoure ce traitement s’appuie sur deux points principaux :

  • L’indication n’est-elle pas guidée par l’intolérance de l’environnement et notamment du milieu scolaire ? Ne vaudrait-il pas mieux accepter l’enfant tel qu’il est plutôt que de tenter de le faire entrer dans un moule qui n’est pas le sien ? Bon petit diable versus petite fille modèle, le débat ne date pas d’hier !
  • L’efficacité immédiate du médicament ne va-t-elle pas effacer l’évolution naturelle positive ? Quelles sont les conséquences à long terme du traitement ? On commence à trouver des témoignages d’adultes traités pendant leur enfance qui se sont sentis « muselés » pendant cette période.

Tout est affaire de nuance, de discussion entre les parents et les professionnels, mais aussi, rappelons-le dans la situation qui nous préoccupe, de temps. Ce sera le rôle des parents de donner du temps à leur enfant trop récemment arrivé.

Quel type de prise en charge ?

Le nombre d’hypothèses avancées pour expliquer l’origine du TDAH participe à alimenter cette bataille d’écoles car, aucune, à ce jour, n’a pu être scientifiquement prouvée. Si tous s’accordent sur un dysfonctionnement du cerveau (on l’appelait « minimal brain dysfunction » il y a 50 ans), son origine est controversée. Pour certains, il serait lié à des lésions au moment de la naissance (anoxie) ou pendant la grossesse (alcool), voire à une immaturité neurologique, alors que d’autres tablent sur un déséquilibre au niveau des neurotransmetteurs (ces hormones qui transmettent les commandes nerveuses d’une cellule à l’autre). Pour les uns, ces anomalies seraient d’origine génétique, mais pour les autres, le résultat de carences affectives et/ou éducatives pendant la petite enfance. La pluralité et la diversité de ces hypothèses n’ont d’égales que la diversité des tableaux présentés par les enfants et ne font que renforcer l’idée parfois émise qu’on ne sait pas ce que l’on traite.

Alors comment s’y retrouver dans ce labyrinthe de symptômes qui se ressemblent, de diagnostics qui se chevauchent, de spécialistes qui se complètent ? Quelle prise en charge pour mon enfant ? Au risque de choquer certains puristes, la meilleure prise en charge est celle qui s’adapte à votre enfant, celle à laquelle il semble adhérer et vous aussi, celle qu’il accepte facilement parce qu’il en perçoit l’intérêt. Qu’importe qu’elle soit dispensée par tel ou tel type de professionnel (psychomotricien, ergothérapeute, kinésithérapeute, orthophoniste, psychologue…), si elle part des acquis de l’enfant, la rééducation consiste à l’aider à trouver des « façons de faire » qui lui conviennent et à progresser par lui-même et à son rythme.

Il faut parfois accepter de ne pas avoir de diagnostic précis au moins dans un premier temps ; ce n’est souvent qu’après plusieurs années de prise en charge, en fonction de l’évolution, des acquis et des lacunes restantes, qu’on se fera une idée plus précise de l’origine des troubles. L’un des avantages de l’enfant adopté est justement cette immaturité qui le pénalise au départ, mais qui lui permet de progresser plus longtemps que ses pairs, et donc d’aller plus loin qu’on ne l’aurait imaginé. Encore faut-il lui laisser ce temps !

Le TDAH vu du côté des parents

Pour les parents, en raison des précautions supplémentaires à prendre avec les enfants adoptés, même en présence d’une « prescription » médicale délivrée par le spécialiste qui suit l’enfant, prendre la décision de traiter l’hyperactivité par voie médicamenteuse reste une démarche toujours difficile à faire. Qui n’a pas lu un article de vulgarisation fustigeant les parents qui « droguent leurs enfants », faute de « savoir leur poser des limites » ? Qui n’a pas entendu des personnes extérieures au monde médical s’autoriser à émettre un avis sur les traitements au méthylphénidate ? Quand il n’y a pas d’autres solutions, il faut pouvoir dépasser son appréhension, et franchir le pas en s’affranchissant du sentiment de culpabilité puisqu’on ne peut avoir recours à d’autres formes de prise en charge (auxiliaire de vie scolaire, classe à effectif réduit, structure adaptée type Rased…). Car, il arrive un moment où l’enfant, empêché par ses difficultés de concentration, devra pourtant arriver à apprendre à lire, à écrire, à compter, à l’aide de ce que certains considèrent comme une « béquille ». Nombreux sont ceux qui ont constaté le bénéfice pour leur enfant et son entourage, quand le traitement est bien toléré.

Peu de temps après la prise de Quasym, les bienfaits se sont fait sentir. La maîtresse de mon fils a fait une remarque positive en me disant que, pour la première fois, il avait pu faire un jeu collectif en écoutant les consignes, qu’il avait pu jouer avec les autres, et non pas à côté des autres. En dépit de quelques effets secondaires, comme des maux de tête, au fil des mois, les échos ont continué à être positifs : beaucoup de progrès en classe, meilleure concentration, bonne capacité à écouter les consignes, qu’il s’agisse de la maîtresse, de l’ergothérapeute, ou de la psychomotricienne. À la maison, je ne me rends pas vraiment compte de l’évolution de son comportement puisque qu’il ne prend le traitement que les jours de classe, mais il a retrouvé confiance en lui, et maintenant, il va à l’école avec plaisir !
Malgré mes hésitations de départ, je ne regrette pas, et lui non plus ! À tel point qu’à la fin du week-end, il est souvent content que l’école reprenne car il a conscience que c’est plus reposant pour lui ! Au terme de neuf mois de traitement, le bilan est très positif : la lecture est acquise, en classe, il est de nouveau placé à côté d’un camarade et son auxiliaire de vie scolaire le trouve beaucoup plus à l’écoute.

Vanessa

Ritaline ou Quasym, les pédiatres sont très clairs. Il s’agit de permettre à l’enfant de profiter des moments calmes pour, un jour, pouvoir se passer des médicaments. Le médicament n’est pas une finalité mais un tremplin. Ces enfants n’ont jamais connu ce que représentait de jouer à un jeu de société en groupe, sans se disputer, sans mettre le Monopoly à l’envers. Le but est d’arriver à ce qu’ils s’autocontrôlent lorsqu’ils sentent que l’agitation est là. Pour qu’ils recherchent d’eux-mêmes les moments de plaisir, loin de l’agitation.
Ont-ils déjà connu des repas en famille où il est bon de discuter calmement, de plaisanter sans être assommé de remarques et de consignes qu’ils sont incapables de suivre ? : jamais. Grâce au médicament, ils peuvent faire la différence. Et nous espérons qu’un jour, ils pourront s’en passer.
Mais pour cela il faut du temps, beaucoup de temps. Nous nous sommes demandé ce qu’il adviendrait sans cette prise de médicament : une vie remplie de frustrations, de rejet des autres, le sentiment de ne pas être aimé, de ne servir qu’à nuire à l’entourage, de se croire mauvais. Je vous laisse imaginer jusqu’où ce type de désillusions peut conduire… Alors nous avons fait un choix. Et depuis, nous nous sommes rendu compte que nous avions aussi une fille ! Mais cela, nous l’avions oublié, tant notre fils mettait une pression énorme dans la famille à cause de son comportement hors norme.

Florent

Notre fille a fait un essai avec la Ritaline car son déficit d’attention et son hyperactivité sont tels qu’elle ne peut progresser comme elle le devrait dans les apprentissages. Tout le monde était d’accord sur les bénéfices que pourraient lui apporter ce traitement, mais il y a eu trop d’effets indésirables, nous n’avons pas eu le temps de voir si cela aurait pu l’aider.

Dominique

NB : on peut constater entre autres effets secondaires, des nausées, des vomissements, une perte de poids, des maux de tête, d’intensité variable.

En savoir plus

Livres :

  • Sylvie Vigo et Dr Nathalie France, Mon enfant est hyperactif (TDA/H) – Regards croisés d’une maman et d’une pédopsychiatre, De Boeck, 2012
  • Pascale de Coster et Valentine Anciaux, Vivre le TDA/H à l’école, Plantyn, 2011 (cet ouvrage se veut une boîte à outils pour les professionnels de l’éducation).
  • Pascale de Coster, Où ai-je la tête ? Mieux vivre son TDA/H en tant qu’adulte, Mardaga, 2019
  • Stéphane Clerger, Soigner les enfants hyperactifs sans médicaments, Fayard, 2019

Sites :

  • TDA/H Belgique : de nombreux outils pratiques destinés aux parents, aux enfants ou aux professionnels.
  • Association TDAH France : l’association propose des permanences téléphoniques, un forum de discussion, des rencontres, des conférences, etc.