Vivre avec un enfant drépanocytaire

Fréquente en Afrique sub-saharienne, aux Antilles, en Amérique du Sud, en Inde mais aussi dans les pays du Maghreb et d’Europe du Sud, la drépanocytose est une anomalie génétique qui entraine la fabrication d’une hémoglobine anormale.

La drépanocytose, qu’est-ce que c’est ?

La drépanocytose est une anomalie génétique qui entraine la fabrication d’une hémoglobine anormale.

L’hémoglobine est le pigment des globules rouges qui sert au transport de l’oxygène. L’hémoglobine S fabriquée par les gènes malades est moins performante et beaucoup plus fragile. Ces globules rouges malformés sont sensibles à la fièvre, au froid, à la déshydratation et au manque d’oxygène. Placés dans de mauvaises conditions, ils se déforment et éclatent, entraînant une anémie brutale qui peut être grave, comme une hémorragie.

Vivre avec une drépanocytose, c’est essayer de limiter au maximum les facteurs qui pourraient déclencher une crise.

Prévenir les situations à risque

La fièvre : éviter la fièvre, cela revient à éviter les infections. Plus facile à dire qu’à faire, surtout dans la petite enfance. Tous ces rhumes, toutes ces bronchites, ces otites qui constituent le quotidien relativement banal des jeunes enfants, peuvent devenir un vrai danger pour l’enfant drépanocytaire. Sans compter les varicelle, rougeole et autres maladies infantiles. Les vaccinations revêtent donc chez ces enfants une priorité absolue, et, aux vaccinations habituelles, on en ajoute d’autres, comme le pneumocoque ou la grippe par exemple.

Mais éviter les infections, c’est aussi éviter de rencontrer les petits copains malades ; c’est être mis à l’écart de la petite sœur qui a une bronchite, ne pas avoir droit au bisou de maman qui a une angine, ne pas pouvoir aller sur les genoux de papa qui a la grippe… Et pour les parents, c’est faire baisser rapidement la température au risque de se retrouver à l’hôpital dans l’heure qui suit. Ce qui signifie aussi que l’hôpital ne doit pas être loin ! Pas facile dans ces conditions d’envisager des vacances à l’étranger (vous savez dire « drépanocytose » en grec, vous ?).

Le froid : ce sont surtout les changements brusques de température qui sont les plus dangereux. Il va donc falloir imaginer une vie sans « à-coups » thermiques. Pas de bain de mer, sauf peut-être sous les tropiques ; pas de piscine, elles sont rarement chauffées à 35° ; pas de vacances à la neige, ou alors sans ski, ni luge, ni bataille de boules de neige ! Il en ira de même pour tous les sports à l’extérieur qui devront tenir compte de la météo : ni trop chaud, ni trop froid.

La déshydratation : bien sûr, on pense tout de suite aux gastro-entérites, à la fièvre et à toute maladie nécessitant une importante hydratation. Mais lors des séances de sport, il faudra aussi penser à s’hydrater plus que les autres, dans les salles surchauffées de certaines écoles, en été, à la récréation, quand on joue avec les copains, en ballade ou sur la plage, où l’on regarde les autres se baigner avec envie ! La vie moderne nous apporte d’autres situations à risque avec les climatisations dans les transports ou les chauffages électriques dans les hôtels.

Le manque d’oxygène : vous allez dire, là on est tranquille ! Eh bien, pas tant que ça. L’altitude, les voyages en avion, les efforts physiques violents, sont des situations où l’oxygène peut diminuer sensiblement ; et si un individu « normal » ne ressent qu’une simple accélération de son cœur et de sa respiration pour compenser, le drépanocytaire se trouve en danger de crise.

Une fois déformés, les globules rouges ne sont plus suffisamment souples pour passer dans les petits vaisseaux sanguins ; ils créent ainsi des « bouchons » qui empêchent le sang de s’écouler normalement. Les tissus mal irrigués manquent d’oxygène, se nécrosent et occasionnent une douleur vive comme dans l’infarctus cardiaque. Tous les territoires du corps et en particulier les plus vascularisés (articulations, doigts) peuvent être touchés.

Apprendre à repérer les signes précurseurs

Chaque malade a une sensibilité qui lui est propre, et un seuil de crise différent. Ce n’est qu’au fil des crises que le malade apprend à connaître ses réactions face à la maladie et à savoir comment les éviter au maximum.

La famille doit, elle aussi, apprendre à reconnaître les signes avant-coureurs pour tenter d’y remédier ou emmener en urgence le malade à l’hôpital. Elle doit aussi observer les signes cliniques qui permettent de surveiller l’évolution de la maladie, ce qui donne aux parents un rôle d’auxiliaire médical pas toujours facile à vivre :

– Anémie : elle est quasi constante mais son intensité sera surveillée à partir de la coloration des muqueuses (plus facilement repérable à l’intérieur de la paupière), d’une plus grande fatigue, d’un essoufflement à l’effort. Un changement brutal peut être le signal d’une crise de déglobulisation massive nécessitant une transfusion sanguine d’urgence.

– Ictère : c’est la coloration jaune de la peau qui résulte du cycle de destruction de l’hémoglobine (comme dans l’évolution naturelle d’un hématome qui vire au bleu puis au jaune). Sur une peau noire, c’est un véritable « coup d’œil » que les parents devront acquérir.

– La rate : ce petit organe, situé à gauche sous les côtes et responsable des points de côtés, est l’objet de toutes les attentions. Son rôle étant de détruire les globules vieillissants ou inefficaces, on imagine assez bien qu’elle est vite débordée par l’ampleur de la tâche, surtout si elle fait de l’excès de zèle. Considérant la plupart des globules rouges comme inaptes, elle les piège pour les détruire, participant ainsi à aggraver l’anémie. Ce faisant, elle grossit de façon immodérée, et se fragilise au point de risquer la rupture. Les parents apprendront donc à la palper et à la mesurer pour en suivre l’évolution et réagir rapidement à toute augmentation brutale de volume. Il n’est pas rare que l’on doive enlever chirurgicalement cette rate devenue trop grosse, trop fragile ou trop consciencieuse.

La Revue Accueil

Accueil est une revue trimestrielle réalisée par EFA. C’est la seule revue française consacrée à l’adoption. Accueil propose des témoignages d’adoptés et d’adoptants, des textes émanant de travailleurs sociaux, psychologues, psychanalystes, sociologues, juristes, écrivains.

Un diagnostic aisé

Maladie congénitale et génétique cela signifie que l’on naît avec la maladie, que l’on vit avec, et qu’on la transmet à ses enfants.

En France, elle fait partie des maladies dépistées de façon systématique à la naissance chez les enfants à risque (en fonction de l’origine des parents) en analysant l’hémoglobine. Pour les enfants nés à l’étranger d’un pays à risque, cette recherche devra faire partie du bilan d’arrivée. On passe rarement à côté du diagnostic, car les globules des personnes malades ont une forme particulière qui ne passe pas inaperçue au microscope, et c’est parfois le biologiste qui oriente le diagnostic lors d’une simple prise de sang à la recherche d’une anémie ou d’une maladie infectieuse.

Les personnes malades sont celles dont les deux gênes – paternel et maternel – sont atteints (homozygote). Les personnes n’ayant qu’un seul gène atteint (hétérozygote) ne présentent pas de signes de la maladie mais peuvent la transmettre. C’est ainsi que les personnes malades transmettront un gêne malade à leurs enfants ; mais ces derniers ne seront atteints que si leur autre parent leur transmet aussi un gêne malade. De même, deux personnes hétérozygotes pourront transmettre chacune leur gêne malade à leur enfant qui, lui, sera atteint. Avec le brassage des populations, la probabilité de rencontrer une personne hétérozygote augmente, augmentant ainsi le risque pour les enfants drépanocytaires, d’avoir eux-mêmes des enfants atteints.

Une vigilance de tous les instants et des précautions tout au long de la vie

Si la drépanocytose n’est plus synonyme comme autrefois de décès précoce, elle reste une maladie capricieuse et astreignante nécessitant une vigilance de tous les instants et des précautions tout au long de la vie. Bien sûr, certains enfants ne font aucune crise jusque tard dans l’enfance, mais le risque existe toujours et ne doit pas être négligé. Il est d’autant plus important que les futurs parents adoptifs en mesurent toute la dimension, que s’agissant d’un « handicap non visible », certains pourraient être tentés de le banaliser et de ne pas prendre en compte l’impact qu’il peut avoir dans leur vie quotidienne, leurs centres d’intérêt, leur mode de vie.

Thérapie génique: un début d’espoir ?

Une étude publiée en février 2017 dans le New England Journal of Medicine rend compte d’un succès de thérapie génique pour le premier patient ainsi traité: les travaux ont été menés par une équipe internationale, avec des membres de l’hôpital Necker. Deux autres patients seraient en cours de traitement. Il s’agit d’une technique très lourde et réservée de ce fait, aux cas les plus graves, avec encore une incertitude sur la durée de l’amélioration, et en fait une alternative à la greffe de moëlle qui reste problématique chez l’enfant adopté (en l’absence de donneur familial). S’il ne s’agit pas de guérison, mais plutôt de rémission, cela peut contribuer à améliorer leur qualité de vie.

En savoir plus

Sites

  • Intégrascol : Fiche sur la drépanocytose et les aménagements scolaires + un témoignage d’ado + modèle de PAI pour un enfant drépano.
  • Drépavie : http://www.drepavie.org
  • Site de l’Inserm
  • Drepan-hope : Blog d’une drépanocytaire. Christelle, drépanocytaire, nous fait part de son expérience et publie des témoignages d’autres drépanocytaires.

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