Edito
Editorial
Qui se préoccupe de la santé de nos enfants ? Geneviève Miral
C’est un fait acquis, la santé de leurs enfants est, avec leur scolarité, une des préoccupations majeures des parents adoptifs. En cela (et en bien d’autres choses !), ils ne diffèrent pas de tout autre parent.
Et si la question d’une réflexion spécifique sur la santé des enfants adoptés pouvait paraître incongrue jusque dans le milieu des années 1990, elle est, aujourd’hui, une cause entendue, notamment pour les professionnels chargés de leur suivi. Elle le sera plus encore dans les années à venir, l’adoption concernant de plus en plus d’enfants grands au parcours difficile et complexe, et d’enfants porteurs de pathologies et/ou de handicaps.
C’est dans ce contexte que sont apparues et se sont développées les consultations d’orientation et de conseil en adoption (COCA dans notre jargon), reposant essentiellement sur l’initiative heureuse de quelques pédiatres hospitaliers, pionniers dans ce domaine.
Or ces COCA nécessitent maintenant de s’appuyer sur une organisation mieux structurée, avec un cahier des charges clair – répondant ainsi aux besoins des enfants et à la demande croissante des familles – et adaptée aux spécificités régionales, couvrant l’ensemble du territoire. Les responsables des consultations existantes et Enfance & Familles d’Adoption sont conscients de ces enjeux et soucieux de voir se mettre en place le soutien pré et post-adoption préconisé par plusieurs organismes supranationaux (Service social international, ChildONEurope) et le Parlement européen1. C’est avec force et conviction qu’ils réclament depuis des mois la validation du cahier des charges présenté à la ministre de la Santé2, Mme Roselyne Bachelot. Sensibilisée à cette question grâce aux préconisations du rapport Colombani, la secrétaire d’État à la Famille, Mme Nadine Morano, avait visité la consultation de Versailles en juillet 2008, en présence de la présidente et de la vice-présidente Santé et Vie de l’enfant d’EFA. Malgré l’engagement des professionnels et d’EFA, rien de nouveau à l’horizon des COCA, courriers et dossiers envoyés au ministère de la Santé sont restés lettre morte. Il s’agit pourtant d’un dispositif léger, peu coûteux, particulièrement original et répondant à un vrai besoin en termes de santé publique.
L’inquiétude légitime des familles et des professionnels face à l’enlisement de ce dossier cède la place aujourd’hui à la colère : colère des pédiatres des COCA qui envisagent de suspendre leurs consultations faute de soutien « politique » et financier, colère des familles constatant que les engagements et les multiples déclarations en faveur de l’adoption sont, une fois de plus, des promesses qui n’engagent que ceux qui y croient…
Le questionnement sur la qualité de la prise en charge médicale de nos enfants saura dépasser nos frontières. Quelles garanties apporte la France, comparativement aux autres pays européens par exemple aux pays d’origine des enfants adoptés ? La question mérite d’être non seulement posée mais débattue et réfléchie : un agrément dont on sait qu’il ne correspond pas toujours aux attentes des pays d’origine, une préparation des candidats à l’adoption insuffisante, un soutien post adoption minimaliste et non encadré, etc.
Qu’on ne s’y méprenne pas, les pays d’origine de nos enfants sont informés des dispositifs mis en place par les pays d’accueil et se préoccupent, tout à fait légitimement, de la qualité de l’accompagnement dont bénéficieront les enfants qu’ils confient en adoption.
À repousser sans cesse la mise en place d’un réel accompagnement des familles adoptives (complètement absent du projet de loi en cours) et la reconnaissance et le soutien du réseau des COCA, la France prend le risque de ne plus offrir aux enfants adoptés le suivi auquel ils ont droit et dont ils ont besoin et de voir les pays d’origine se détourner d’elle comme pays d’accueil possible.
Geneviève Miral Présidente d’Enfance & Familles d’Adoption
Membre du Conseil supérieur de l’adoption
1 European Parliament – Directorate General Internal Policies – Policy Department C : Citizens Rights and Constitutional Affairs, International Adoption in the European Union: Final Report 2009; March 27.
2 Validé par la société française de pédiatrie, ce cahier des charges a été présenté à Mme Bachelot en janvier 2008. Sans réponse de la part du ministère, la demande a été réitérée par courrier en mai 2008 et en juin 2009.