Adopter en Polynésie française

La « délégation adoptive » pratiquée en Polynésie française censurée par la Cour de cassation

Le tribunal de Papeete a prononcé des délégations volontaires d’autorité parentale, consenties par des parents polynésiens, peu après la naissance de leurs enfants, au bénéfice de candidats à l’adoption métropolitains. La cour d’appel de Papeete a confirmé ces décisions. Le procureur général près la cour d’appel de Papeete s’est pourvu en cassation contre ses arrêts. La Cour de cassation a répondu le 21 septembre 2022.

La cour écarte l’assimilation de la « délégation adoptive » à celle, prohibée, de la gestation pour autrui.

En revanche, elle censure l’usage qui en est fait depuis plus de trente ans en Polynésie.

Elle considère que cette pratique n’est pas conforme à la coutume polynésienne de la Faa’amu, qui permet d’organiser une mesure de délégation de l’autorité parentale dès lors qu’elle intervient au sein d’un cercle familial élargi ou au bénéfice de personnes connues des délégants.

Elle considère qu’elle n’est pas non plus conforme à l’article 377, alinéa 1er, du code civil qui ouvre la possibilité de désigner comme délégataire une personne physique qui ne soit pas membre de la famille, à la condition que celle-ci soit un proche digne de confiance :  “Ne saurait être considérée comme un proche, au sens du texte précité, une personne dépourvue de lien avec les délégants et rencontrée dans le seul objectif de prendre en charge l’enfant en vue de son adoption ultérieure.” Dans les cas concernés, les délégataires n’étaient connus que depuis au maximum quelques mois par les parents délégants.

Elle considère enfin que la délégation est un mode d’aménagement de l’exercice de l’autorité parentale qui n’a pas pour objet de rendre un enfant adoptable.

Toutefois, La Cour relève que l’utilisation de la procédure de délégation d’autorité parentale en Polynésie s’inscrit dans un contexte de carence du pouvoir réglementaire auquel les autorités locales ont tenté de remédier. En principe les enfants de moins de deux ans doivent être admis en qualité de pupilles de l’État pour être adoptables, mais les règles relatives à la composition et au fonctionnement des conseils de famille pupilles de l’État n’ont jamais été mises en œuvre en Polynésie, de sorte que s’est créée une incertitude juridique sur les modalités d’adoption d’un enfant âgé de moins de deux ans sur ce territoire.

En se référant à l’intérêt supérieur des enfants de conserver les liens qui les unissent à des personnes qui les élèvent depuis leur naissance et dans la mesure où les candidats à l’adoption actuellement dans cette procédure l’ont initiée en toute bonne foi et sur la base d’une jurisprudence trentenaire jusqu’à présent jamais remise en cause, la Cour de cassation rejette les pourvois, tenant ainsi compte du caractère exceptionnel de la situation.

EFA alerte les candidats à l’adoption, qui envisageraient de se diriger vers une démarche en Polynésie française, que le pas est franchi vers le refus de se voir accorder une délégation volontaire d’autorité parentale s’ils ne sont pas membres ou proches de la famille de l’enfant.

A lire le rapport du conseiller de la Cour de cassation

et celui de l’avocat général

19 DÉCEMBRE, 2022 ETIQUETTES : ADOPTION INTERNATIONALEJURIDIQUE

Quelles sont les particularités de l’adoption en Polynésie française ?

L’adoption des enfants nés en Polynésie française, collectivité d’outre-mer, est une adoption nationale, et non internationale. Cependant, elle bénéficie d’un régime particulier qui intègre la tradition dite de l’enfant fa’a’amu.

La “circulation” des enfants est une pratique traditionnelle en Polynésie : l’enfant n’est pas nécessairement élevé par sa famille biologique, mais plutôt par la personne la plus apte à le faire. Il est donc courant que des parents confient un enfant à un membre de leur famille ou à un proche, en tout cas à quelqu’un de confiance.

La législation française s’applique à la Polynésie. Dans le cas d’un projet d’adoption, cette “circulation” des enfants n’est donc pas autorisée pour un enfant de moins de 2 ans. Quand des parents de naissance décident de confier leur enfant à des parents adoptifs potentiels (en général à la naissance), ils doivent donc le faire dans le cadre d’une délégation d’autorité parentale (DAP) : lorsque l’enfant atteint l’âge de 2 ans, ses parents biologiques peuvent alors signer un consentement à l’adoption.

Cette façon de procéder a malheureusement donné lieu à des dérives (certaines familles peu scrupuleuses ont fait pression sur des jeunes mères pour qu’elles leur donnent leur enfant). De ce fait, la demande de délégation d’autorité parentale se fait désormais après que les services sociaux ont rencontré la mère biologique pour s’assurer qu’elle n’a été l’objet d’aucune pression. En outre, il arrive que ce transfert d’autorité parentale soit refusé par le tribunal de Papeete, le juge considérant qu’il est contraire à l’intérêt de l’enfant.

Bien entendu, si l’enfant est confié aux services sociaux, ce qui est rare, ce sont les services sociaux qui recherchent une famille et l’enfant est confié en vue d’adoption à la fin du délai légal de rétractation des parents de naissance. Les services sociaux polynésiens cherchent aujourd’hui à favoriser cette procédure.

Où trouver des informations sur l’adoption en Polynésie française ?

Vous pouvez contacter MAEVA (Mouvement associatif pour les enfants venus des archipels de Polynésie). Cette APPO (association de parents par pays d’origine) regroupe plus de 350 familles adoptives d’enfants polynésiens et de nombreux postulants à l’adoption dans cette région du monde.

A lire :

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