Philippines : l’urgence humanitaire n’est pas le temps de l’adoption

Dans les régions dévastées des Philippines, sous les décombres enchevêtrés, chacun recherche un être cher et parfois tous les membres de sa famille. Personne ne peut même aider l’autre à soutenir son deuil tant il paraît que chacun est touché. Ici, nous sommes tous interpelés: déferlante d’émotions devant l’ampleur et l’injustice de cette nouvelle catastrophe naturelle et notamment devant le dénuement des enfants. Enfance & Familles d’Adoption, tout en exprimant sa solidarité avec les enfants et parents des Philippines, rappelle que l’urgence et l’élan humanitaires ne sont pas à confondre avec le projet personnel, lentement et mûrement réfléchi, d’adopter un enfant pour la vie. L’adoption n’est pas un geste de sauvetage.

Selon les recommandations du Haut Commissariat aux réfugiés, les enfants isolés en temps de guerre ou de catastrophe ne doivent pas être déplacés internationalement sans l’accord de leur famille ou des adultes qui les ont pris en charge. Les efforts doivent porter sur leur sécurisation et leur étayage alimentaire, physique, médical, psychologique, sur la réunification des familles, sur la recherche de membres de la parenté susceptibles de prendre en charge ceux qui seraient orphelins de père et de mère.

L’enfant a aussi besoin de temps, de soutien afin de pouvoir faire un travail indispensable de deuil, d’exprimer ce qu’il a vécu, avant toute nouvelle projection dans l’avenir.

Les Philippines ont ratifié depuis longtemps la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale. Leur Autorité centrale saura rechercher en temps voulu les solutions les meilleures pour les enfants qui seraient vraiment en situation de délaissement.

Pour rappel, suite au tsunami qui a déferlé sur l’Asie du sud-est en décembre 2004, des pays comme le Sri Lanka ou la Thaïlande ont suspendu les adoptions pendant plus d’un an, mettant tout en œuvre pour favoriser la réunification des familles dispersées par les effets de la catastrophe. Très peu d’enfants ont été déclarés adoptables car n’ayant vraiment personne pour les prendre en charge.

Les adoptions ont également été suspendues en Haïti après le séisme de janvier 2010 : les enfants évacués dans les mois qui ont suivi avaient été déclarés adoptables avant le séisme et déjà apparentés avec des familles à l’étranger.

Pour certains ici en France, ces événements vont plus particulièrement faire écho. Outre la communauté philippine, ce sont près de 400 enfants nés aux Philippines qui ont été adoptés par des familles vivant en France ces 30 dernières années: les plus grands ont la trentaine, les plus jeunes moins de dix ans. Des jeunes adultes, des adolescents, des enfants, leurs parents et frères et sœurs, sont meurtris par les images de la catastrophe qui s’abat sur le pays de naissance des uns qui est devenu un pays de cœur pour toute la famille. Nous souhaitons leur faire part de toute notre sympathie, nous partageons leur désarroi. Nous savons combien cela peut être douloureux pour des enfants vivant ici de penser à ceux qu’ils ont laissés là-bas et de s’interroger sur ce qui a pu leur advenir: parents, frères ou sœurs, oncles ou tantes, grands-parents, familles d’accueil, nourrices, ou camarades d’institution.

Nous pensons aussi aux quelques familles qui pourraient être en procédure d’adoption aux Philippines (où 16 enfants ont été adoptés en 2012), qui avait fixé un moratoire pour limiter le nombre de dossiers: outre les opérateurs par lesquelles elles menaient leurs procédures, elles peuvent trouver du soutien auprès de leur association départementale EFA ou appeler sur la ligne d’écoute EFA: 0810 00 21 01.

Et nous pensons aussi aux enfants arrivés d’Haïti en 2010, à d’autres enfants ayant traversé d’immenses difficultés, chez qui les images qui tournent en boucle peuvent réactiver des souvenirs douloureux et réveiller des blessures.

Enfance & Familles d’Adoption, 14 novembre 2013