Adoptions irrégulières au Mali

Après le Sri Lanka l’an dernier, c’est aujourd’hui au tour du Mali d’être au cœur de l’actualité médiatique de l’adoption. TV5 monde et différents journaux relaient depuis quelques jours la plainte pour escroquerie et abus de confiance déposée par neuf personnes adoptées dans les années 1980 contre l’organisme d’adoption qui avait accompagné leurs parents.

La découverte d’illégalités dans un dossier d’adoption est un choc, un bouleversement profond pour toute la triade adoptive : enfants, parents de naissance, parents par adoption. Pour l’adopté, il s’agit de recomposer à nouveau son histoire, de questionner son identité, de retrouver du sens. Les parents, quant à eux, vivent avec la culpabilité et la souffrance d’avoir participé malgré eux à un système frauduleux qu’ils n’imaginaient pas. Créer une famille solide suppose de pouvoir agir en confiance avec tous les intervenants du processus.

Malgré l’émotion générée par ce genre de situations, il importe cependant de ne pas faire d’amalgame, préjudiciable aux adoptés et à leurs familles, constituées et à venir : même si la prudence reste de mise, toutes les adoptions d’enfants au Mali, au Sri Lanka et plus largement à l’international (plus de 100 000 depuis les années 1970) n’ont pas fait l’objet de pratiques irrégulières.

La conception de l’adoption et ses pratiques évoluent avec l’évolution culturelle des sociétés. Il est toujours délicat de juger les pratiques passées à la lumière de celles d’aujourd’hui : au Mali comme ailleurs, il n’était pas rare que l’adoption soit synonyme d’œuvre humanitaire et il pouvait sembler alors plus important de « sauver » un enfant que de respecter ses droits et ceux de ses parents de naissance. Ces pratiques et ces convictions ont été à l’origine d’un certain nombre de trafics d’enfants. C’est pour lutter contre ces dérives que la convention de La Haye a vu le jour en 1993.

Il n’en reste pas moins que les adoptés ont le droit de comprendre, besoin de clarté, de transparence pour approcher la vérité, et besoin que soit reconnue la souffrance engendrée par la découverte de pratiques illicites. Ceux qui construisent leur propre famille veulent pouvoir raconter leur histoire à leurs enfants, loin de tout soupçon. Si les parents ne sont pas responsables des agissements des institutions intervenues dans leur procédure, ils doivent pouvoir raconter l’histoire, leur histoire, ce qu’ils ont vécu, leurs valeurs. Et toutes les parties doivent pouvoir être accompagnées sur le douloureux et parfois long chemin de la reconstruction personnelle et familiale.

Collectivement, familles, institutions, associations, nous avons la responsabilité de veiller sur l’histoire de l’adoption, de la partager, de la faire évoluer autour de l’intérêt premier de l’enfant, pour que le regard sur nos enfants reste réaliste et compréhensif, que les erreurs du passé, publiquement assumées, débouchent sur une éthique partagée. Pour nos enfants, pour ceux à venir et pour les enfants de nos enfants.

Le conseil d’administration d’Enfance & Familles d’Adoption, 17 juin 2020

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Pour aller plus loin :

Articles Le Monde
Reportage TV5 Monde
“Adoption internationale au Mali et au Tchad : que dit la loi ?” TV5 Monde avec une interview de Céline Giraud, co-fondatrice de La Voix des Adoptés et co-coordinatrice du pôle Advocacy.
Communiqué de La Voix des Adoptés
Communiqué Rayon de Soleil de l’Enfant Étranger
Adoption internationale : la soif de vérité des personnes adoptées

 


Mise à jour du vendredi 19 juin, correction du lien “communiqué de la Voix des Adoptés” et ajout du lien “Adoption internationale au Mali et au Tchad : que dit la loi ?”.