Mariage et adoption pour tous : la position d’EFA

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“MARIAGE ET ADOPTION POUR TOUS” Un avant-projet de loi et un climat qui occultent les nécessaires débats de fond sur l’adoption

Enfance & Familles d’Adoption en 2012, ce sont plus de 30 000 enfants (adoptés et non adoptés) vivant au sein de plus de 9 000 familles adhérentes. Depuis sa création, il y a bientôt 60 ans, ce sont près de 200 000 enfants nés en France et à l’étranger dont les parents ont rejoint la fédération à un moment de leur parcours.

Apolitique et laïque, EFA réunit en son sein une grande diversité de situations parentales, à l’image de la diversité de la société française : couples homme-femme, mariés ou non, précédemment divorcés ou non, parents célibataires, veufs ou veuves, couples de femmes ou d’hommes. Des familles de toutes sensibilités et de toutes convictions.

Certaines de ces familles s’inquiètent d’une évolution des schémas familiaux qui bousculent leurs représentations. D’autres y voient la possibilité de proposer une palette élargie de familles à des enfants qui attendent. D’autres encore hésitent, oscillent, s’interrogent, ou n’ont pas d’opinion.

Une conviction fait consensus : nul n’a le droit d’instrumentaliser les enfants, de les brandir comme des étendards. Déjà en octobre 1999, la présidente d’EFA alertait contre les risques de faire des enfants le « fer de lance d’adultes ». C’était dans un débat organisé par les associations de parents gays et lesbiens. Cela vaut aujourd’hui aussi pour un certain nombre de ceux qui combattent le projet de loi, publiquement, ou derrière les multiples associations qui voient le jour depuis quelques semaines.

Depuis longtemps, EFA, dans le respect de la sensibilité de chacun, a le souci de replacer l’enfant et sa famille au centre des préoccupations. La fédération s’inquiète de constater que l’avant-projet, et les débats qu’il génère, laissent de côté les enfants qui continueront de grandir auprès de parents non mariés ou célibataires, et occultent des questions de fond sur l’adoption et la filiation.

1 – L’adoption homoparentale existe déjà.

L’avant-projet de loi sur le mariage homosexuel présenté par Mme Christine Taubira, Garde des sceaux, vise essentiellement l’égalité des droits entre les couples de sexe différent et ceux de même sexe. L’accès de ces derniers au mariage civil leur ouvrira, selon l’article 343 du Code civil, la possibilité d’adopter l’enfant de leur conjoint et celle, pour l’avenir, dès lors qu’ils seront agréés et que leur candidature sera acceptée, d’adopter conjointement.

Or les personnes homosexuelles adoptent déjà, en tant que célibataires, même si elles vivent en couple : l’adoption est ouverte en France aux couples mariés et aux célibataires, mais pas aux couples non mariés. La filiation est alors établie au nom d’un seul parent. Cela pose la question de la place juridique du parent social auprès de l’enfant. Cela pose aussi la question de la préparation conjointe à l’agrément et à l’accueil de l’enfant. Aujourd’hui, c’est au nom d’un seul des deux que les couples non mariés (quels qu’ils soient) sollicitent un agrément, taisant le plus souvent, dans le cas notamment des candidats homosexuels, une partie de leur vie, pourtant essentielle, et dans laquelle l’enfant devra s’inscrire. EFA accompagne d’ailleurs déjà sans discrimination chaque couple parental et chaque personne célibataire avant et après l’adoption.

Le débat “pour ou contre” mérite donc d’être dépassé pour remettre l’enfant au cœur des préoccupations, car c’est bien pour lui que l’adoption a été créée et c’est bien lui qui la vit au quotidien dans sa famille et dans la société.

2 – Si  l’égalité des droits est en jeu, garantissons celle des enfants

Mettons sur un pied d’égalité tous ceux qui se proposent comme parent(s) pour un enfant dès lors qu’ils sont agréés et qu’ils réunissent tous les conditions fixées par la loi (différence d’âge minimum entre l’adopté et l’adoptant, âge minimum ou nombre d’années de mariage).

  • Tous les candidats doivent pouvoir élaborer, au cours de l’agrément, un projet familial clair, dans lequel l’enfant pourra se construire. Et les responsables légaux des enfants adoptables, en France comme à l’étranger, doivent pouvoir faire pour eux des choix éclairés, basés sur une transparence des projets parentaux. En obtenant les mêmes droits que les couples de sexe différent, les couples de même sexe pourront désormais former à deux un projet de vie pour l’enfant et avancer ensemble vers cette parentalité.
  • Tous les candidats doivent pouvoir se préparer à l’adoption d’un enfant qui attend une famille, en France ou à l’étranger, avec son histoire et ses besoins. Ce nécessaire accompagnement devra comporter un discours clair et réaliste sur les possibilités réelles d’adoption par les couples de même sexe : très peu de pays d’origine sont prêts à leur confier des enfants et les regards ainsi que les pratiques doivent encore évoluer en France.

L’amélioration de la préparation de tous les candidats à l’adoption et de l’accompagnement de toutes les familles adoptives est une priorité. Elles doivent être au cœur de la politique de protection de l’enfant dont fait partie l’adoption. Et il est aujourd’hui urgent d’adapter le système français de l’adoption à l’évolution du profil des enfants confiés en France et à l’étranger ainsi qu’aux exigences des pays d’origine, en proposant une véritable préparation aux candidats à l’adoption communiqué sur ce sujet, demandant la réunion du comité interministériel de l’adoption) et un réel accompagnement après l’arrivée de l’enfant.

3 – Recentrons-nous sur les besoins de l’enfant

C’est l’enfant qui a le droit à une famille, comme nous le rappellent la Convention internationale des droits de l’enfant et la Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, ratifiée par la France le 30 juin 1998 : pour l’épanouissement harmonieux de sa personnalité, l’enfant doit grandir dans un milieu familial, dans un climat de bonheur, d’amour et de compréhension.

Le droit des adultes, quelle que soit leur orientation sexuelle, de pouvoir adopter un enfant ne leur donne pas pour autant droit à un enfant. Ce droit à l’enfant n’existe pas, et ne saurait être garanti par le seul lien du mariage. Tout candidat à l’adoption doit d’abord obtenir un agrément.

Le besoin de l’enfant est bien d’avoir une famille pensée pour lui, organisée à partir de lui et autour de lui. C’est à partir du projet de vie de chaque enfant, intégrant son histoire, ses besoins, ses attentes, ses désirs, que doit être choisie une famille pour lui. Il existe aujourd’hui des enfants, en France et à l’étranger, qui ne peuvent bénéficier d’une famille car présentant des besoins spécifiques. L’exemple d’autres pays montre que de tels enfants peuvent plus aisément trouver une famille lorsque la palette des schémas familiaux envisagés est élargie – chaque candidature étant évaluée quelle que soit sa configuration – et qu’un accompagnement adapté est mis en place.

Au-delà de sa famille, l’enfant adopté a besoin de s’inscrire dans la société qui l’entoure. Or le débat actuel risque d’accentuer les discriminations à son encontre à différents niveaux :

  • Le regard de la société : si 55 % des Français se disent favorables au mariage par deux personnes de même sexe, et au-delà à l’adoption, 45 % ne le sont pas. Certains propos entendus ces derniers temps sont déjà profondément (de façon intolérable) meurtrissants pour les enfants élevés par des parents de même sexe. Ceux qui, demain, seraient adoptés par ces couples risqueraient de voir se rajouter aux discriminations qu’ils subissent déjà parfois (par exemple pour cause de différences ethniques au sein de la famille) des discriminations supplémentaires du fait d’avoir deux parents de même sexe. Ces questions devront être abordées avec les candidats à l’adoption, comme le sont par exemple les questions liées à la différence ethnique, pour s’assurer d’une capacité d’empathie avec l’enfant et réfléchir aux accompagnements adéquats.

Repartant des besoins des enfants en attente de famille, respectueuse des différentes sensibilités des familles qui composent la fédération, EFA considère qu’il n’est pas possible de réduire ce débat de société complexe à une revendication d’adultes, ni à la défense d’un schéma familial unique. La réflexion doit porter sur un certain nombre de points qui, aujourd’hui, dans un climat très passionnel, sont trop souvent laissés de côté :

  • la possibilité d’élaborer et de mener à terme un projet transparent,
  • la nécessité d’une information réaliste,
  • l’intégration dans les formations des professionnels d’une information sur les différents schémas familiaux qui seraient reconnus par la loi, de leurs spécificités (risques et ouvertures possibles) en matière d’accueil d’un enfant,
  • les risques de discrimination,
  • la mise en adéquation des projets avec les besoins des enfants adoptables, en France et à l’étranger.

Tout cela passe par une politique gouvernementale volontariste, avec une amélioration de la préparation et de l’accompagnement de toutes les familles adoptives, avant et après l’arrivée de l’enfant. Il est urgent d’adapter le système français de l’adoption à l’évolution du profil des enfants confiés en France et à l’étranger ainsi qu’aux exigences des pays d’origine, afin de rechercher pour eux les familles dont ils ont besoin et de pouvoir accompagner toutes les familles.

Enfance & Familles d’Adoption, le 18 octobre 2012

Télécharger le communiqué d’EFA