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LEVY-SOUSSAN Pierre, Destins de l’adoption, Fayard, 2010 (existe en format poche, Le Livre de poche, 2014)

Malgré un réel désir d’enfant, tout le monde ne peut pas adopter, nous dit en introduction Pierre Lévy-Soussan, pédopsychiatre et psychanalyste. La filiation se construit autour de trois axes, le biologique, le psychique et le juridique. Dans l’adoption, l’axe biologique a été mis en échec, la loi fournit un cadre qui assure la solidité des liens psychiques si on se donne toutes les chances pour que ce lien symbolique se construise. Il faut que l’enfant soit en capacité de « renaître » dans une famille en dépit des situations de carence et d’insécurité qu’il a pu connaître, il faut aussi que les adoptants soient en capacité d’être parents, de penser l’origine de leur enfant à partir de leur désir et de lui donner toute sa place. L’enfant doit pouvoir arriver dans une « maison » à la solidité éprouvée et ne devrait jamais être une solution aux blessures des parents.

Un lien solide, qui se construit dans la durée et donne consistance à la filiation, c’est le défi de l’adoption que Pierre Lévy-Soussan met en avant, dénonçant au passage les dérives sociétales qui mettent en péril l’institution. Il est dommage que ce message fort s’égare parfois dans des formules choc, à l’image de la photographie de la couverture.

Il est plus regrettable encore que Pierre Lévy-Soussan n’applique pas à sa communication publique et très médiatique les principes qu’il met en œuvre dans sa pratique professionnelle. En assénant dans les colonnes de journaux, sur les ondes radiophoniques des « vérités » qui font violence, il prend le risque de les rendre inaudibles auprès de ceux à qui elles pourraient être destinées.

https://www.amazon.fr/Destins-ladoption-Pierre-Levy-Soussan/dp/2253176834

LE RUN, LEBLANC, CLUET, L’enfant dans l’adoption, Editions Érès, 2006 L’enfant n’a pas demandé à être adopté. Sa voix n’accède pas aux médias, qu’ils soient professionnels ou publics : il a donc besoin d’un porte-parole. C’est le parti pris de cet ouvrage issu d’un numéro de la revue enfances & psy.

L’accent est mis sur ce que vit l’enfant dans l’adoption : un parcours qui commence par un abandon, des ruptures, avant la rencontre avec ses futurs parents. Se dessine ici le cheminement, le travail psychique que doit faire l’enfant pour adopter sa nouvelle famille, construire son identité, surmonter la blessure de l’abandon et faire le deuil d’une unification illusoire. Pour certains le travail sera une quête : comprendre ce qui s’est passé, voire retrouver leur mère de naissance, plus rarement leur géniteur. Tout dépendra de la qualité des liens qu’ils auront formés avec leur famille adoptive, et des rencontres, mises à l’épreuve de ces liens avec l’environnement, en particulier à l’adolescence. Le cheminement s’effectue avec les parents qui ont choisi d’accueillir et d’aimer cet enfant, de le désirer et de le porter à travers les épreuves et les joies du parcours. En centrant le propos sur l’enfant, en exposant les réflexions et les pratiques, les auteurs ont voulu offrir un outil qui permette aux professionnels de l’enfance de mieux comprendre et d’aider les enfants et les familles qui font appel à eux.

https://www.cairn.info/l-enfant-dans-l-adoption–9782749206516.htm

LEMIEUX Johanne, L’adoption : mieux vivre les trois premières années après l’arrivée de l’enfant, Qébec Amérique, 2016

Même si ce deuxième ouvrage de Johanne Lemieux revient, en première partie, sur les notions d’attachement, sur le CAAASÉ, ce nouveau volume s’attache plus particulièrement aux trois premières années qui suivent l’arrivée de l’enfant. Retrouvez la présentation plus complète dans le n° 180 de la revue Accueil !

Jean-François Mignot, L’adoption, La découverte, coll. Repères, 2017

Excellent travail universitaire, ce « petit » livre dresse un panorama de l’adoption en la replaçant dans le contexte historique et international. Ainsi, si les États-Unis sont le premier pays d’adoption (la Corée du Sud étant le premier pays d’origine) suivi par la France, rapporté à la population, les pays scandinaves ont les taux d’adoption les plus élevés. Les profils des enfants évoluent selon les pays et les périodes : adoption successorale, adoption à visée éducative. L’auteur utilise toutes les sources statistiques disponibles dont celles du ministère de la Justice pour l’évolution du nombre d’adoptions simples et plénières. La bibliographie, bien documentée, fait référence à de nombreuses études internationales. Parmi les nombreux sujets abordés : le nombre de mineurs nés par gestation pour autrui internationale à titre onéreux (20 000). En 2012, ce nombre dépasse celui des nouveaux adoptés à l’international (19 000). L’auteur se pose la question de savoir si on se dirige vers la fin de l’adoption internationale.

https://www.amazon.fr/Ladoption-Jean-Fran%C3%A7ois-MIGNOT/dp/2707197467

 

Jean-Vital de Monléon (coord.), L’enfant adopté, Doin, 2017

Cet ouvrage collectif aborde l’adoption sous différents angles, permettant à chacun d’y naviguer selon ses connaissances et ses besoins. Destiné en premier lieu aux pédiatres, les autres professionnels médicaux ou de la petite enfance, les chercheurs, les parents adoptifs et les adoptés y puiseront des informations et des pistes utiles. Outre les sujets repris dans de nombreux ouvrages sur l’adoption, certains thèmes méritent une mention spéciale pour la façon dont ils sont traités.

Le chapitre sur l’accouchement sous le secret décrit la procédure sous l’angle de la législation et de l’éthique médicale, avec des éléments concrets et précieux pour tout professionnel en salle de naissance. Le chapitre sur les hépatites donne des pistes très utiles sur le protocole de suivi des enfants porteurs. L’attachement et l’adolescence sont abordés dans un langage compréhensible par tous. La place des adoptés dans la société est présentée depuis leur perspective. Le chapitre sur la scolarité reprend les conclusions des études menées par des chercheurs avec EFA, et les recommandations du guide correspondant. Enfin l’analyse des dérives de l’adoption internationale mériterait d’être lue par tout acteur qui participe de près ou de loin à l’adoption : opérateurs, évaluateurs, conseillers, parents.

https://www.amazon.fr/Lenfant-adopt%C3%A9-Jean-Fran%C3%A7ois-Mattei/dp/2704014191

 

Un livre de plus sur la parentalité et l’éducation ? Pas tout à fait car il s’agit d’un livre original, dont l’autrice est allée très loin cueillir ce qu’elle nous propose, avec un regard décalé et peut-être plus clairvoyant sur ce qui nous entrave.

Au bord du burnout parental, Michaeleen Doucleff, journaliste scientifique, décide de partir vivre avec sa fille dans des communautés de chasseurs cueilleurs, ces cultures qui affutent leurs stratégies éducatives depuis des milliers d’années, pour tenter de comprendre ce qui ne fonctionne plus dans notre façon occidentale d’éduquer les enfants. Alors que nous perpétuons des relations fondées sur les conflits et la peur, les parents chasseurs cueilleurs vivent la coopération et la confiance avec leurs enfants. Comment font-ils ?

Après un démarrage un peu long, visant à définir notre problématique occidentale (une conception éducative focalisée sur les recherches occidentales, une famille nucléaire, une routine parentale qui s’est emballée, la pression de la performance), on entre au bout de 80 pages dans le vif du sujet avec une plongée dans la culture maya. À partir de là, l’autrice nous entraîne dans une quête passionnante, mêlant le récit de ce qu’elle vit avec sa fille et ses observations, ses questionnements, les pistes éducatives et concepts qu’elle en tire, étayés par le regard scientifique de professionnels (psychologues, ethnopsychiatres…).

De l’éducation maya, elle retient la tendre camaraderie, cette facilité qu’ont les parents à associer les enfants à leurs activités du quotidien, à sortir du contrôle pour favoriser la collaboration. En Tanzanie, les parents hadza valorisent l’autonomie au point de se donner beaucoup de mal à ne pas dire aux enfants ce qu’ils doivent faire car ils sont convaincus que l’enfant sait comment apprendre et grandir. Quant aux parents inuits, ils ne crient jamais, jamais : ils s’attendent au comportement inapproprié de l’enfant, car c’est dans sa nature, il n’est pas mature !

Tout au long de ce livre, Michaeleen Doucleff pointe ce qui différencie notre modèle de ceux qu’elle explore : la solitude des parents occidentaux. Dans la famille nucléaire, la mère (et le père) est la seule camarade, seule source d’amour, seul lien social, seul divertissement et seule stimulation. Ailleurs, elle constate la force de la coopération silencieuse entre adultes au sein de communautés qui partagent les mêmes valeurs éducatives, ce qui permet à l’enfant de trouver des ressources auprès d’autres membres de la famille, d’amis du couple parental, de voisins parfois… S’il est vrai que dans le cas de nos enfants adoptés, certains conseils stéréotypés sont parfois mal appropriés, permettre à l’enfant d’observer d’autres pratiques, de trouver d’autres soutiens est aussi une richesse !

Alors, si vous ne craignez pas d’être bousculé, de questionner vos pratiques parentales, vous aimerez ce livre préfacé par Isabelle Filliozat, qui retrouve ici ses thèmes de prédilection comme l’autonomie, la gestion des émotions… Michaeleen Doucleff oriente les projecteurs sur des besoins de nos enfants que nous pourrions oublier, nous les parents adoptifs, centrés que nous sommes parfois sur le défi essentiel de (re)créer attachement et sécurité. Elle nous parle de leurs besoins de contribuer, de coopérer, de liberté, de reconnaissance qui pourraient bien renforcer autonomie, confiance et appartenance !

Michaeleen Doucleff, Chasseur, cueilleur, parent, Leduc Éditions, 2021

https://www.editionsleduc.com/produit/2579/9791028521592/chasseur-cueilleur-parent

Ce commentaire a été publié dans le numéro 201 de la revue Accueil

Les mères adoptives, Georgeta Le Ray-Mitrea,

Parsemé de vignettes cliniques comme autant d’historiettes rendant la lecture fluide et accessible, l’ouvrage n’en reste pas moins destiné aux professionnels. En s’appuyant sur la théorie freudienne, l’autrice interroge les mouvements sous-jacents – refoulés, déniés, insus – à l’œuvre chez les mères adoptives et dans leur relation à leur enfant en particulier et à la maternité en général. L’adoption demande un travail psychique qui concerne autant l’enfant que la mère, où entrent en jeu, en résonnance ou en conflit, l’imaginaire et la réalité, notamment de l’abandon. Qu’en est-il de la place de toutes les mères : celle de la mère adoptive, celle de la mère biologique de l’enfant, celle de la mère de la mère adoptive ? Quant aux relations mère-fille, que révèle l’adoption de l’axe féminin de filiation ? Comment les liens et l’imaginaire s’articulent-ils autour de l’enfant qui peut se retrouver au centre d’un imbroglio psychique ?

Scène originaire, fantasmes, pulsions, séduction, lapsus, désir inconscient, défenses, l’étrange et l’inconnu, mythe et réalité, la tragédie d’Œdipe… sont parmi les concepts que G. Le Ray-Mitrea sonde pour raconter cette histoire de maternité, celle de la conception de l’enfant adopté. Pour lecteurs avertis, rompus à la terminologie freudienne, ou du moins fortement intéressés, voire conquis par les théories psychanalytiques.

https://www.puf.com/content/Les_m%C3%A8res_adoptives

Ce commentaire a été publié dans le numéro 201 de la revue Accueil

Katie Naftzger et Françoise Hallet (trad.), Adoption : comment bien gérer l’adolescence, De Boeck, 2021

Thérapeute familiale américaine, Katie Naftzger nous livre ici un ouvrage concret, ponctué de conseils et de témoignages, qui s’appuie sur quinze années de travail avec des ados adoptés et des familles adoptives, ainsi que sur sa propre expérience de personne adoptée. Sur le principe d’un guide, elle aborde de nombreux sujets comme le vécu des pertes et des ruptures chez les adoptés, les liens émotionnels, le racisme et les stéréotypes, les problèmes de santé mentale, envisager l’avenir… Avec l’objectif, nous dit-elle, non pas de dire comment votre ado pourrait changer mais de parler de la façon d’être parent autrement.

https://www.decitre.fr/livres/adoption-comment-bien-gerer-l-adolescence-guide-pour-les-parents-adoptifs-9782807331235.html

Ce commentaire a été publié dans le numéro 200 de la revue Accueil

Une poupée en chocolat, Amandine Gay

Née sous le secret, Amandine Gay a été adoptée par une famille blanche alors qu’elle-même est noire. Son histoire personnelle, les expériences douloureuses de l’enfance à l’âge adulte, le regard porté sur elle comme adoptée, comme personne noire, sa formation de sociologue, les rencontres avec d’autres personnes adoptées ont incité Amandine Gay à se questionner sur l’identité, la filiation, la parentalité, la famille et la réalité – souvent niée – du racisme en France. Cet essai autobiographique, développant une analyse que l’autrice revendique politique, a la volonté d’inscrire l’adoption dans un contexte socio-historique au travers des rapports de classes, du passé colonial des pays occidentaux, des inégalités mondiales, et s’interroge sur les fondements de l’adoption internationale et plus particulièrement de l’adoption dite « transraciale ». La réflexion et les prises de position de l’autrice peuvent parfois déranger ou choquer mais elles ont le réel mérite d’alimenter le débat.

https://www.editionsladecouverte.fr/une_poupee_en_chocolat-9782348055805

Ce commentaire a été publié dans le numéro 200 de la revue Accueil

W. Bertile, P. Ève, G. Gauvin et P. Vitale, Les enfants de la Creuse, Le Cavalier Bleu, 2021

Après la publication en 2018 d’un rapport très documenté sur la transplantation de mineurs de l’île de La Réunion en métropole (disponible sur Internet), un ouvrage, plus accessible, rédigé par les mêmes auteurs, revient sur quelques « idées reçues » à propos de cette dramatique affaire. Entre 1963 et 1984, la Ddass de La Réunion a envoyé 2 015 mineurs vers 83 départements métropolitains (pas uniquement vers la Creuse). Le livre apporte un éclairage réaliste et dépassionné sur des faits très complexes, tantôt incompris, tantôt déformés et souvent jugés à la lumière des critères du xxie siècle. Sans jamais chercher à justifier cette politique de migration d’enfants, mais en la replaçant dans le contexte de l’époque, l’ouvrage revient sur quelques points sujets à controverse. Le rappel de la politique de migration initiée avec la création du Bumidom et le glissement qui s’est opéré à l’égard des enfants permettent de nuancer et de contrebalancer les termes « d’esclavage » ou de « déportation », dont la presse s’est souvent fait l’écho. Toutefois, « expliquer n’est pas excuser » rappellent inlassablement les auteurs qui pointent les graves dysfonctionnements de l’Ase et leurs conséquences dramatiques sur les enfants transplantés. Ce qu’une médécin de l’Ase décrit en 1973 comme une « utopie dangereuse ».

http://www.lecavalierbleu.com/livre/enfants-de-creuse/

Ce commentaire a été publié dans le numéro 199 de la revue Accueil