Une poupée en chocolat – Amandine Gay

Une poupée en chocolat, Amandine Gay

Née sous le secret, Amandine Gay a été adoptée par une famille blanche alors qu’elle-même est noire. Son histoire personnelle, les expériences douloureuses de l’enfance à l’âge adulte, le regard porté sur elle comme adoptée, comme personne noire, sa formation de sociologue, les rencontres avec d’autres personnes adoptées ont incité Amandine Gay à se questionner sur l’identité, la filiation, la parentalité, la famille et la réalité – souvent niée – du racisme en France. Cet essai autobiographique, développant une analyse que l’autrice revendique politique, a la volonté d’inscrire l’adoption dans un contexte socio-historique au travers des rapports de classes, du passé colonial des pays occidentaux, des inégalités mondiales, et s’interroge sur les fondements de l’adoption internationale et plus particulièrement de l’adoption dite « transraciale ». La réflexion et les prises de position de l’autrice peuvent parfois déranger ou choquer mais elles ont le réel mérite d’alimenter le débat.

https://www.editionsladecouverte.fr/une_poupee_en_chocolat-9782348055805

Ce commentaire a été publié dans le numéro 200 de la revue Accueil

Ladybird

Ladybird est une histoire d’amour : l’histoire de Maggie et Jorge, de leur perpétuelle lutte pour fonder une famille. Maggie a eu quatre enfants (de quatre hommes différents), qui lui ont été enlevés par l’assistance sociale à la suite de sa dernière liaison avec un amant violent.
Quand elle rencontre Jorge, gentil et honnête réfugié latino-américain, elle se voit accéder petit à petit à une certaine forme de bonheur, mais son passé continue à la poursuivre. Maintenant qu’elle est entre les mains de l’administration et des services sociaux, il lui est difficile de reprendre sa liberté.
Ladybird est l’histoire de la lutte d’une femme pour garder près d’elle ses enfants, préserver sa dignité, et construire une vie de famille.

http://diaphana.fr/film/ladybird/

 

Secrets & Lies

Hortense, une jeune femme noire de 27 ans, spécialiste en optométrie et confortablement installée dans une vie qu’elle mène à sa guise, vient de perdre sa mère adoptive. Elle décide de retrouver la trace de Cynthia, sa mère biologique. Celle-ci, une ouvrière blanche, vit pauvrement avec son autre fille, Roxanne, âgée de 20 ans. Hortense lui téléphone. Cynthia s’affole, tergiverse et finit par accepter un rendez-vous. Ce jour-là, elle découvre qu’Hortense est noire et devine alors qui est son père. Bien que difficile au départ, une relation intime s’établit peu à peu entre les deux femmes, qui apprennent doucement à se connaître.

https://www.festival-cannes.com/fr/films/secrets-and-lies

Kim Thúy – Liana Levi

Kim Thúy, em, Liana Levi, 2021

Une suite de portraits saisissants du Vietnam, depuis l’époque de la colonisation française jusqu’à la fin de la guerre américaine, avec ses atrocités, mais aussi ses élans de solidarité. Par touches successives, on découvre des enfants nés de relations entre des soldats américains et des femmes vietnamiennes. Le plus souvent se sont des orphelins, des bébés, abandonnés dans les rues de Saigon dans des boîtes en carton ; d’autres, plus grands, tentent de survivre en chapardant pour se nourrir. Lors du baby lift à destination des États-Unis où des familles adoptantes les attendent, certains d’entre eux explosent en vol.

Les Vietnamiens les plus « chanceux » sont évacués pendant l’opération Frequent wind dans une atmosphère de fin du monde. Une fois arrivés, ils se lancent dans l’industrie du vernis à ongles, ouvrent des salons de manucure où, à force de travail, ils feront fortune. Ils ont laissé derrière eux des forêts dévastées par les herbicides et les dioxines, des rizières asséchées, des enfants aux innombrables malformations congénitales. Pourtant, deux des personnages devenus adultes se retrouvent, leur histoire d’amour donne son sens au livre et à sa couverture : une boîte en carton d’où s’échappent des fils. Bouleversant.

https://www.lianalevi.fr/catalogue/em/

Ce commentaire a été publié dans le numéro 199 de la revue Accueil

Des diables et des saints – L’iconoclaste, 2021

Jean Baptiste Andréa, Des diables et des saints, L’iconoclaste, 2021

Joseph, un homme d’âge mur, joue du piano – uniquement du Beethoven – sur les pianos publics que l’on trouve parfois dans les gares et les aéroports. Son talent lui vaut l’admiration des voyageurs mélomanes mais Joseph n’attend pas la reconnaissance, il attend quelqu’un. Il a 16 ans lorsque ses parents et sa sœur meurent dans un accident d’avion, et il est placé dans un pensionnat religieux des Pyrénées : Les Confins. Les journées de maltraitance s’écoulent sous l’œil de l’abbé Sénac, un homme sadique et un peu pervers, censé veiller sur eux. Jusqu’au jour où Joseph rencontre Rose, une jeune fille à qui il doit apprendre à jouer du piano… Avec ses copains orphelins, ils échafaudent d’autres vies que la leur, chacun se met à rêver de jours meilleurs et d’une évasion qui les libèrera de cet orphelinat. On découvre alors la capacité des enfants à s’enfuir de leur quotidien grâce à leur imagination. C’est le côté positif de ce roman, qui parvient à nous faire sourire et même à nous faire rire et, surtout, qui change le regard habituellement porté sur les enfants malmenés par la vie. Ce roman sur la musique est aussi une belle histoire d’amitié et une histoire d’amour.

https://editions-iconoclaste.fr/livres/des-diables-et-des-saints/

Ce commentaire a été publié dans le numéro 199 de la revue Accueil

Les enfants de la Creuse – Le Cavalier Bleu, 2021

W. Bertile, P. Ève, G. Gauvin et P. Vitale, Les enfants de la Creuse, Le Cavalier Bleu, 2021

Après la publication en 2018 d’un rapport très documenté sur la transplantation de mineurs de l’île de La Réunion en métropole (disponible sur Internet), un ouvrage, plus accessible, rédigé par les mêmes auteurs, revient sur quelques « idées reçues » à propos de cette dramatique affaire. Entre 1963 et 1984, la Ddass de La Réunion a envoyé 2 015 mineurs vers 83 départements métropolitains (pas uniquement vers la Creuse). Le livre apporte un éclairage réaliste et dépassionné sur des faits très complexes, tantôt incompris, tantôt déformés et souvent jugés à la lumière des critères du xxie siècle. Sans jamais chercher à justifier cette politique de migration d’enfants, mais en la replaçant dans le contexte de l’époque, l’ouvrage revient sur quelques points sujets à controverse. Le rappel de la politique de migration initiée avec la création du Bumidom et le glissement qui s’est opéré à l’égard des enfants permettent de nuancer et de contrebalancer les termes « d’esclavage » ou de « déportation », dont la presse s’est souvent fait l’écho. Toutefois, « expliquer n’est pas excuser » rappellent inlassablement les auteurs qui pointent les graves dysfonctionnements de l’Ase et leurs conséquences dramatiques sur les enfants transplantés. Ce qu’une médécin de l’Ase décrit en 1973 comme une « utopie dangereuse ».

http://www.lecavalierbleu.com/livre/enfants-de-creuse/

Ce commentaire a été publié dans le numéro 199 de la revue Accueil

 

Anne de Green Gables – Monsieur Toussaint Louverture, 2020

Lucy Maud Montgomery, Anne de Green Gables, Monsieur Toussaint Louverture, 2020

Marilla Cuthbert et son frère Matthew vivent sur l’Île-du-Prince-Édouard (Canada). Pour soulager Matthew des travaux de la ferme, ils demandent à accueillir un orphelin. Mais c’est une fillette de 10 ans qui arrive à Green Gables ! Une enfant à l’imagination débordante, prompte à s’émerveiller de tout ce qui l’entoure, amoureuse de la nature. Marilla, d’un tempérament austère et d’une rigueur toute protestante, a bien du mal à comprendre et à accepter les fantaisies d’Anne. Mais grâce à Matthew, plus sensible à l’exubérance de cette petite fille pleine d’idéal et de poésie, Anne a droit à une « période d’essai » à Green Gables. Tout en bousculant la monotonie de leur vie quotidienne, elle parvient à s’intégrer chez les Cuthbert, et au fil du temps un amour sincère unit les trois personnages, amour qui se concrétisera par une adoption. Publié en 1908, on ne s’étonnera pas des accents un peu surannés de ce beau roman, qui nous livre une analyse très fine des caractères et des sentiments des protagonistes. On découvre également le sort peu enviable réservé aux orphelins de cette époque et le regard très péjoratif que la société porte sur eux. Une série télévisée a été adaptée, visible sur Netflix.

https://monsieurtoussaintlouverture.com/produit/anne-de-green-gables/

Ce commentaire a été publié dans le numéro 199 de la revue Accueil

L’adoption – Sophie Dussaussois et Candela Ferrandez

Sophie Dussaussois et Candela Ferrandez (ill.), L’adoption, Milan, coll. Mes p’tits pourquoi, 2021

Pas d’histoire dans ce livre joliment illustré (plastifié pour pouvoir être lu souvent), mais une série de situations qui suscitent généralement des questions de la part des enfants. En croisant une maman enceinte, on parlera à Paul, adopté au Vietnam, des parents de naissance. À la maison, l’album photo rangé dans la bibliothèque permettra de parler de l’orphelinat. Chez les grands-parents, on expliquera les racines.

À l’école, où l’on a parfois peur de se séparer de ses parents, Mila, adoptée par deux papas, explique à Paul qu’elle est née sous X mais qu’une fois adultes, ils pourront essayer de savoir qui sont leurs parents de naissance. Tous les thèmes sont abordés avec naturel. Ce livre reflète l’adoption telle qu’elle a évolué jusqu’à aujourd’hui. Le texte est fluide et conçu pour les enfants de 4 à 7 ans.

https://www.editionsmilan.com/livres-jeunesse/documentaires/3-6-ans/ladoption

Ce commentaire a été publié dans le numéro 199 de la revue Accueil

 

Le Roi des Rois – Nathalie Wyss

Nathalie Wyss, Le Roi des Rois, Magnard Jeunesse, 2019

C’est le récit d’une amitié entre deux adolescents, des gosses des rues. Sortis de l’orphelinat, leur cadre de vie oscille entre bidonvilles et décharges. Ils dorment dans des baraques de ferraille, chapardent des chapatis pour mater la faim qui les tiraille, mais les deux amis sont inséparables, jouent ensemble, rient, l’aîné protège le plus jeune lorsqu’il a peur, du vide, de la solitude… jusqu’au jour où Shiva, le plus âgé, est victime d’un accident mortel. Heureusement, « le soleil étincelle toujours chez les hindous, les Indiens, les Tamouls ». Un très beau conte pour adolescents sur l’amitié, le deuil et la force de vie.

https://www.babelio.com/livres/Wyss-Le-roi-des-rois/1132668

Ce commentaire a été publié dans le numéro 198 de la revue Accueil

Le lion endormi – Pascale Perrier

Pascale Perrier, Le lion endormi, Oskar éditeur, 2020

1985, en Colombie, l’éruption du volcan « Le lion endormi » ravage la région et ses habitants. Simultanément, Martin, reporter photographe français, est appelé sur place pour couvrir l’événement. La vision apocalyptique et l’horreur du spectacle de ces morts et de ces blessés lui font remettre en question son métier : jusqu’où peut-on montrer la réalité ? L’éthique de l’information est finement analysée.

Dix ans plus tard, Alicia, la fille de Martin et d’Émilie, traverse une période difficile : questionnements sur son pays de naissance, son adoption, elle se sent « déracinée ». Elle se plonge alors dans le récit de la mission en Colombie que son père a écrit à son intention. Martin a récupéré des bras d’une femme mourante – qu’il pense être sa mère, alors qu’il n’en a aucune certitude – un bébé de 3 mois. Dès lors, il ne veut plus s’en séparer, sa femme et lui ne peuvent pas avoir d’enfant. Grâce à une amie qui a des amis « haut placés », il ne faudra que trois jours pour obtenir le passeport provisoire permettant de rentrer en France. Martin est fier d’avoir « agi au mieux pour sa fille ». Même si ce livre présente d’incontestables qualités narratives, les parents qui le donneront à leurs enfants pourront utilement leur rappeler que sauver un enfant, avec les meilleures intentions du monde, suppose aussi de respecter les lois, et plus encore les enfants.

https://pascaleperrier.info/index.php/le-lion-endormi-9/

Ce commentaire a été publié dans le numéro 198 de la revue Accueil